le pouvoir des roses.
- cecileboffy
- 11 oct. 2022
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 nov. 2022

Nous avons tous une histoire avec la maladie, avec le cancer, la mort.
Et à y regarder de plus près la probabilité que nous succombions un jour reste assez élevée…
Le cancer du sein reste toutefois un sujet sensible pour les femmes.
Aborder ce sujet en article m’a souvent effleuré, mais les émotions qu’il suscite en moi me faisait très vite le marquer d’une croix rouge et le jeter dans la corbeille des indésirables.
Et il m’a fallu quelque temps pour admettre qu’il me mettait mal à l’aise.
C’était ma patate chaude.
Et puis ma passion pour les bains dans la nature dans le plus simple apparat m’a confrontée il y a quelques jours à l’image de mon corps nu, de mes seins libres et de mon visage radieux.
Un sentiment grisant de liberté, d’épanouissement, d’insouciance si farouchement cultivé ces dernières années que j’ai eu un frisson quand il est venu se superposer aux campagnes rose qui fleurissent partout au mois d’Octobre. Cette overose est venue faire planer une ombre au-dessus de mes seins.
Un peu en colère de ne pas être imperméable et tranquille dans ma bulle, agacée par cette imperceptible frémissement intérieur, je me suis dit qu’il était temps de regarder en face ce que cette maladie venait chercher en moi pour me faire perdre ma quiétude.
Pourquoi le cancer du sein plus qu’une autre maladie créait en moi de l’inconfort ? C’était quoi ce sentiment sombre qui l’accompagne ?
En soit le cancer je connais de près, de loin… Les cicatrices aussi… La mort même pas peur… Bah en même temps une fois que tu es mort…
J’ai ressenti la nécessité d’explorer ce sentiment, j’ai eu besoin de le confronter à celui d’autres femmes. Comprendre. Est-ce que j'étais seule à éprouver un certains malaise face à cette maladie?
Alors j'ai posé cette question aux femmes que je croise quotidiennement;
« Qu’est-ce que l’évocation du cancer du sein éveille en toi comme émotions ? »
MA ;
Elle frogne et retrousse son nez avant de me dire ; « C’est comme une bombe à retardement. Un truc que l’on dépose en toi et qui t’éclate à la gueule quand tu ne t’y attends pas.
Le sein c’est la féminité personnifiée, alors ça évoque la perte de cette féminité.
Et ça me fait flipper !
A ;
« Quand je pense au Cancer, j’ai tout de suite une sensation d’oppression intérieure, (quand-serre), de perte de contrôle, du stress à imaginer toutes ces petites cellules qui dégénèrent et se multiplient, comme un dédoublement et une distance face à mon propre corps, lié à une masse que je ne reconnais pas. Et le cancer du sein me renvoie à la perte de ma féminité, de mon pouvoir de femme. Celle qui nourrit, celle qui séduit, celle qui est complète et belle. Alors, le cancer ravive ma peur de ne pas être aimée, de ne pas être capable d’assumer pleinement un rôle de mère et d’amante. »
A ;
« Mes seins font vraiment partie de ma sexualité, si je les perds j’aurais vraiment peur de perdre ma sexualité. »
No ;
« C’est comme un combat. Ça peut paraitre étrange, mais c’est comme un challenge de la vie à affronter pour renaitre différente. »
D ;
« Je crois en ma bonne étoile, je pense sincèrement que je ne serais jamais touchée. »
An ;
« Moi ça me fait peur. Et puis c’est comme si le corps était meurtri dans sa chair. J’aurais peur de ne plus être touchée.
Ça m’émeut de t’en parler, la poitrine ça fait partie de notre féminité en être amputé ça m’émeut. »
M ;
« Ah bah ça c’est une sacrée question… C’est un truc super délabrant, la chirurgie, la chimio plus de cheveux. Cette plaie délabrante.
Mais ce qui me fait vraiment flipper c’est de l’avoir jeune et de me dire que je vais le transmettre. Que je vais refourguer ma génétique pourrie. Et ça franchement je m’en voudrais. Je me dirais que J’aurais mieux fait de pas me reproduire, c’est une saloperie cette merde.
Nos seins… C’est deux armes de destruction massive qu’on a là.
Une mastectomie symboliquement c’est chaud ! »
S ;
" Dans un premier temps ce qui me fais peur c'est de mourir. Disparaitre et abandonner mes enfants, vraiment ça m'angoisse. J'envie ceux qui n'ont pas d'enfant, ça doit leur enlever une sacrée charge mentale.
Perdre mes cheveux ça en revanche je m'en fiche, je ne porterais pas forcément une perruque ou alors juste pour les enfants, et je crois que ça m'irais assez bien chauve, un style, je serais pas banal (rire).
Mais perdre un sein, ouais ce serait une atteinte à ma féminité, j'aurais peur de l'impact sur ma sexualité.
Et là pour le coup j'aurais peur d'être abandonnée.
Alors Octobre rose j'aime bien, c'est l'occasion de se soutenir, de ne pas oublier, y a des femmes tellement fortes. »
E ;
« Ça me fait peur, ça me terrorise. Je me regarde souvent sous toutes les coutures.
La souffrance, la mutilation de ma féminité. Cette mutilation ce n’est même pas vis-à-vis du regard des autres, c’est vraiment moi avec moi-même. M’imaginez sous la douche, et sentir une cicatrice a la place de mon sein. (Frisson)
Alors au sein d’une vie de couple…
Quand je croise des patientes atteintes de cancer du sein je me sens gênée, ça peut paraitre fou j’ai vu tellement pire, mais ça me touche, je me sens débordée. Ça me fâche ça me dérange et puis je me sens coupable.
Les femmes… on doit déjà vivre tellement de chose pourquoi ça en plus. »
N ;
Le cancer du sein évoque pour moi une atteinte de la femme dans sa féminité, sa maternité....témoin extérieur d'un conflit intérieur qu'il faut dépasser pour en ressortir grandit.
C ;
C’est un cancer de merde, ça atteint la féminité qui se voit
Ce n’est pas comme l’utérus
C’est le cancer qui me fait le plus peur, ça me fait flipper et ce n’est pas rationnel.
Le mot qui me vient c’est mutilation. Franchement le cancer des testicules je m’en fiche. Mais là ça touche ta féminité
Putain j’espère que je ne l’aurais jamais cette merde.
S ;
Les seins c’est ce qui fait que je me sens femme. Les seins c’est mon truc de femme. Que l’on me retire l’utérus ce n’est pas grave, ça ne vient pas tant chercher ma féminité.
Mais le cancer du sein ça me terrorise.
Et ce n’est pas le regard des autres, c’est mon propre regard sur mon corps de femme.
J ;
L’issue de ce genre de maladie me terrorise.
L’incertitude du pronostique, imaginer sa vie qui change d’un instant à l’autre.
Ce cancer ne m’effraie pas plus qu’un autre mais c’est plutôt le processus qui me fait peur, les diagnostics, les annonces, les interventions, les contrôles, l’attente…
J’ai eu une biopsie l’an dernier, 6 mois de calvaire d’attentes, ou ta vie est suspendue à chaque examen. Ça m’a rendue complétement hypocondriaque
Ça a été une prise de conscience, ça peut m’arriver, à moi aussi. J’ai perdu de mon insouciance.
C ;
« J’ai un truc qu’on surveille mais ça va je relativise beaucoup, ce n’est pas grave on verra si un jour c’est grave.
La mammo c’est très désagréable, on t’écrase les nichons entre deux plaques… » Plafff
C’est naze.
I;
"Ouais c'est vrai ça la mammo c'est horrible, comment on peut n'avoir fait aucun progrès la dessus. Si c'était pour le cancer des testicules t'inquiètes pas qu'ils auraient trouvé un truc qui t'écrase pas les couilles comme un casse noix."
A ;
C’est vraiment une phobie pour moi en tant que femme, on se dit que ça n’arrive qu’aux autres. Même si on sait que c’est une réalité, que l’autre ça peut être nous.
La perte de cheveux c’est aussi la perte de féminité. On se questionne est-ce que je vais encore plaire.
Et puis imaginer les séquelles de la maladie est insupportable, c’est une maladie qui fait des ravages sur ton corps de femme.
Après je me demande aussi si je serais de celles qui sont des Warriors, qui affrontent ça et en sorte grandis ou est-ce que je vais me laisser abattre. La vie après la maladie…
Si je perds ma féminité comment je ferais pour être à nouveau jolie. Jolie pour moi-même et pour les autres. Est-ce que je serais toujours désirée ?
Et ce, même si j’ai conscience que la féminité en soi elle n’est pas dans l’apparence mais dans l’énergie que l’on dégage.
Pour ma part ;
J’ai mis des années pour m’apaiser dans ma féminité, pour sourire à mon reflet. Alors envisager que cette maladie puisse me toucher et balayer aussi violement et rapidement des décennies d’un façonnage méticuleux me fait peur. Presque je suis en colère.
Mes seins ont une histoire dans ma vie de jeune fille, de femme, de mère. Je leur prête volontiers des pouvoirs sur l’image de ma féminité, une douce souveraineté.
Et puis si… Serais-je toujours désirée et désirable, quand serait-il de ma vie de femme ?
Alors pour avoir vécu quelques batailles j’avoue n’avoir aucunement envie de vivre celle-ci.
Je veux juste profiter, conserver cette insouciance nouvelle, et jouir de la vie.
Merci à toutes ces belles âmes d'avoir répondu avec tant de spontanéité.
Peut être que l'effet de surprise de cette question nous a évité l'écueil de la réflection pour ne laisser parler que les émotions.
Au delà des mots que je vous retranscris il y eut ce qui traverse le corps, qui ne peut être contrôlé.
Un geste, une larme, une voix qui se fends, un accès de colère.
Autant de manifestations puissantes, autant de fragilités sous jacentes qui force l'admiration, qui reflète la beauté de chacune.
Car en effet la beauté du féminin se trouve la dedans, dans cette énergie que l'on dégage.
CB
PS ;
Pour K,
Pour nos discutions qui n’en finissaient pas autour de tes seins, l’anxiété que l’idée de cette maladie faisait planer sur toi, pour qu’au final elle t’emporte… Comme si tu savais au fond de toi. Comme la matérialisation d’une pensée maléfique.
Mais aussi et surtout pour nos fous rires, nos cafés, nos vacances, nos disputes. Pour nos échanges intenses, notre capacité à nous liguer contre le monde, pour nos divergences aussi.
Car dans le fond, se souvenir permet de garder les moments vivants.
Pour ma grand-mère, qui s’est laissée mourir du chagrin d’amour.
Emportée si vite par ce cancer dont elle aussi avait tant usé de pensées maléfiques.
Pour les vivantes, pour les luttes passées, en cours, à venir !
Et pour tous les moments de liberté, de jouissance, de bonheur à venir!
Merci Gaelle,
Oui en effet il y a d'autres cancers féminin bien mortels... De plus en plus d'ailleurs semble t'il.
Mais peut être devrions nous aussi revoir notre hygiène de vie, le stress, l'alimentation... Enfin c'est pas à toi que je vais apprendre ça ;)
Sinon pour le suivi, y a aussi les sages femme qui font un boulot remarquable en libéral!
C'est un très bel article. Je n'ai pu m'empeché de repenser à un autre cancer, très peu connu dont les femmes ne pensent pas et pourtant... C'est le cancer des ovaires . Au parle de l'utérus, on parle des seins et pourtant le cancer des ovaires est particulièrement meurtrier car nous sommes tellement peu sensibilisés à celui ci qu'il est généralement détecté en stade 3 ou 4 et touche également des femmes de plus en plus jeunes . ..
Dans tous les cas c'est une évidence que l'idée du cancer est angoissante . Sauf que pour moi angoisse = maladie
On parle énormément du cancer du seins mais je me dis que c'est une prise en charge complète gynécologique qui…