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(Dys)orthographie



« Nan mais c’est inacceptable de laisser de telles fautes d’orthographe dans une guideline. »

Le ton est agacé. Il aurait pu en d'autre temps déposer son mépris sous ma peau. Un peu comme une vilaine teigne qui creuse des tunnels dans une confiance effritée par des années de ces petites phrases sarcoptiques. Mais il n’a fait que réveiller de vieux souvenirs.

Je frissonne. Pourtant c’est pas moi qui l’ai écrit ce protocole. Moi j’ai écrit un livre …

Un truc de 220 pages bourré de fautes d’orthographe. Toutes plus évidentes les unes que les autres paraît-il. Évidente pour tous, sauf pour moi. Il arrive même fréquemment à Word de n’avoir « aucune proposition » à me faire pour certains mots. Aritmie, shema, filentrope ...

La petite voix délicate a toujours été l’âme de mon existence. Pourtant j'ai longtemps dû la museler. L’index droit comme un « I » collé sur ma bouche en cœur, je lui intimais la discrétion. Car enfant j’ai très vite chancelé sous le poids des mots qui éraflent. Ceux qui avaient fabriqué un plafond de verre au-dessus de ma tête me persuadant de rester toute petite et de faire taire la douce folie qui émanait de moi.

« Tu es vraiment nulle »

« Tu ne fais aucun effort »

« Il y a tellement de fautes que c’est illisible »

« Tu devrais lire un peu plus »

Aussi j’ai mangé des dictées et copié des lignes à en vomir. Sans aucun effet. Mes copies corrigées ressemblaient toujours à une scène de crime éclaboussée par une décapitation à la hache. Toujours elles m’étaient rendues accompagnée de grimaces dédaigneuses. D’aucun n’avait la décence de s’en tenir à me mettre zéro. Non ils poussaient l’humiliation jusqu’à m’affubler de notes négatives et de remarques qui mangent l’innocence.

La solution était pourtant si proche de moi... Elle était sous la couche de jalousie que j'éprouvais à l'encontre de mon amie d'enfance, qui elle était brillante. Ce que je n'avais pas vu, c'est que mon ainée avait déjà commencé à corriger avec patience et humilité mes fragilités orthographique en valorisant ma créativité.


Depuis quelques temps les mots se sont bousculées avec une telle fureur que je n’ai eu d’autres choix que de les laisser s’exprimer de nouveau. Je ne vois toujours pas la calligraphie noire sur la page blanche. Définitivement, je n’ai aucun talent pour les arts graphique. Juste j’entends les pensées danser devant mes yeux, se coloriser puis dérouler sous mes doigts sans aucune attention pour l’outil. Je perçois simplement cette mélodie intérieure, le chant des mots qui assemblent leurs fantaisies et déposent sur le papier la respiration de cette poésie.


J’observe ma collègue qui poursuit son monologue. Je vois les rigidités, les constrictions que cette faute d’orthographe active en elle.

-La règle c’est la règle fulmine-t-elle. Mais où va le monde ?

Et alors je suis triste un peu, et heureuse beaucoup.

Heureuse car depuis que j’ai accepté de laisser couler les mots et leur orthographe phonétique, depuis que je chéri ma médiocrité, mes amies, séduites par la petite voix m’ont prêté leur talent et leur passion pour l' art de la conjugaison, des accords de participe et des règles d’écriture.

Une association bienveillante et heureuse, un partenariat qui élève.

Alors à la question « Ou va le monde ? » s’allume en moi un optimisme et une bouffée d’amour immense pour nos différences, nos richesses.

Le monde avance à pas discret mais à pas sûr vers une ère nouvelle qui a n’en point douter laissera derrière elle la rigidité des dogmes même les plus ancrés.


Merci à Gaëlle mon amie de toujours pour les semaines passées sur le manuscrit, à Pascale pour la correction des textes balancés par mail le soir à 22H. Et puis à Cécile qui rejoint la boucle et qui rattrape au vol des coquilles que je ne saurais voir.



Sarcoptique :

Paroles galeuses éructé de façon sarcastique, grignotant l’estime de soi.


 
 
 

4 comentários

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Yoga-Hope
Yoga-Hope
12 de mai. de 2023

Encore aujourd'hui, j'ai du mal à écrire . Impossible de mettre sur papier ce que je sors de ma bouche, très vite bloqué car je ne sais plus , toutes ces règles, les lettres qui s'entremêlent. Ce n'est que cette année que j'ai mis le mot dysorthographie sur mon mal . J'ai alors arrêté de m'acharner à faire rentrer dans ma petite tête tant de choses que je ne comprenais pas pour y mettre à la place tant de chose qui me passionne .

C'est ainsi,

A bientôt Cécile !

Gaelle

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cecileboffy
cecileboffy
13 de mai. de 2023
Respondendo a

C'est une vrai délivrance que d'arrêter de lutter. Et en effet tu as raison lâcher certaines contraintes laisse tellement d'espace pour ce qui nous anime.

Bisous Gaelle, à très vite

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benoitfoucher
12 de mai. de 2023

Comme tu le dis, tu entends les mots et leur mélodie, tu ne les vois pas. Auditive, pas visuelle pour le coup.

Merci pour oser laisser sortir cet élan.


Ta prose en vaut largement les errements orthographiques. Et "sarcoptiques", j ai beau lire beaucoup, je ne me souviens pas l avoir déjà rencontré celui-là! Chapeau bas.


Et juste histoire d‘en sourire: “éructé” probablement avec “es” à la fin:)


Et pour la 2ème ptite histoire, quand j’ai écrit mon 1er livre et l ai publié moi-même, j’ai payé un ami pour les corrections, je pensais que c était tout bon, et c est quand ma soeur Aude l’a relu qu elle m a fait remarquer qu il y avait au moins…


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cecileboffy
cecileboffy
13 de mai. de 2023
Respondendo a

Coucou Benoit !

J'ai surtout des voix dans la tête, chuis bien obligée de les écouter tellement elles font du bruit... 😁

Ah ah ma définition de Sarcoptique est une métaphore de la vraie définition. Les sarcoptes sont les petites bêtes responsables de la gale. j'aimais bien alors l'image de paroles sacoptiques. J'imagine les mots s'insinuer sous la peau pour y déposer leur substance prurigène.

Bon du coup vu que j'adore les métaphores, les images, et aussi les vois dans ma tête, on fait quoi, auditive ou visuelle? 😅😂


Des bisous ! à très vite. J'aimerais bien de vos news !

(Oui et je corrige ma faute, merci)


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